23/08/2014

Nouvellement nommé représentant spécial pour les Grands Lacs par le Secrétaire général des Nations Unies, l’algérien Saïd Djinnit entame sa première tournée régionale. Au menu de ses rencontres, les grands dossiers inachevés d’une crise longue de vingt ans : le démantèlement des FDLR, le retour des réfugies congolais, l’application des accords d’Addis-Abeba et des protocoles de Nairobi et la réforme de l’armée de la République démocratique du Congo.

Newly appointed Special Representative for the Great Lakes by the UN Secretary General, Algerian Saïd Djinnit begins his first regional tour. On the menu of its meetings, the main issues of a long unfinished crisis since twenty years : the dismantling of the FDLR, the return of Congolese refugees, the application of the Addis Ababa agreements and Nairobi protocols, and the reform of Democratic Republic of Congo army.

Depuis mercredi 20 août, le diplomate algérien Saïd Djinnit est dans son bureau de Nairobi, au Kenya, d’où il va se rendre à Addis-Abeba (Ethiopie), siège de l’Union Africaine (UA), les 25 et 26, et à Kinshasa (RDC), les 28 et 29, avant de poursuivre sa première mission à Kampala (Ouganda) et Kigali (Rwanda). Il s’occupera également d’organiser « une rencontre de planification et de lancement de la mise en œuvre des protocoles de Nairobi », écrit l’AFP en citant une déclaration de Bertrand Bisimwa, président du M23, l’ancienne rébellion congolaise.

Sa nomination en tant qu’envoyé spécial pour la région des Grands Lacs a été annoncée par un communiqué des Nations Unies le jeudi 17 juillet dernier. Trois jours auparavant, l’ancienne présidente irlandaise, Mary Robinson, quittait cette fonction et était promue envoyée spéciale pour le changement climatique. Considérée comme une pragmatique, peu encline à la langue de bois diplomatique, celle qu’on a pu appeler la dame fer a fini par jeter l’éponge, consternée par l’absence de volonté, assumée de la part des autorités de la République démocratique du Congo, de remplir leurs engagements découlant de l’accord cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013 et des protocoles de Nairobi du 12 décembre 2012.

Ces pressions, exercées vainement sur Kabila afin, d’une part, qu’il respecte l’engagement de démobilisation des FDLR – ses alliés dirigés par des anciens génocidaires de 1994 qui continuent à commettre des atrocité dans l’Est du pays –, et, d’autre part, qu’il avance sur la réforme du secteur de la sécurité, déplaisaient aux alliés de Kinshasa. Parmi ceux-ci, la France a ainsi vu d’un bon œil le départ de la dame pour d’autres destinée et, à la mi-juillet, François Delattre, le nouveau représentant du « pays des droits de l’homme » à l’ONU, a imposé, en marge d’une réunion du Conseil de Sécurité, la candidature de Saïd Djinnit. Selon le correspondant de l’Agence d’information à New York, cette initiative a été conçue dans les coulisses par Hervé Ladsous, le tout-puissant patron français du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP). « Maintenant, on va mettre un homme à nous », se serait exclamé ce dernier devant Delattre. Puis, tout s’est conclu avec l’acte de formalisation du secrétaire général Ban Ki-Moon entérinant cette nomination. Et peu importe la procédure selon laquelle la proposition d’une telle nomination aurait dû être plutôt le fait du Département politique, au lieu que du DOMP.

Saïd Djinnit était en effet depuis 2008 le représentant spécial de Ban Ki-Moon pour l’Afrique de l’Ouest. Là – et à la faveur d’une entente franco-algérienne de plus en plus cordiale (et aux effets pas moins discutables) dans la gestion de la crise sahélienne –, il a ponctuellement secondé la diplomatie de Paris. Qu’en sera-t-il dans les Grands Lacs, où le fait de se présenter avec le profil d’un commis de Ladsous ne laisse pas forcement présager des œuvres de paix ?

Le nouvel envoyé spécial de l’ONU dans la région des Grands Lacs sait qu’il a à traiter le dossier des FDLR avant tout. Il y a deux jours, les leaders de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) demandaient l’engagement des Nations unies pour que les rebelles hutu rwandais soient enfin démobilisés et déplacés en dehors du Kivu, la province de la RDC frontalière avec le Rwanda. Une telle prise de position est un camouflet pour la Tanzanie et l’Afrique du Sud, deux pays qui soutiennent les FDLR et leur revendication ubuesque de se faire accepter comme interlocuteur politique par Kigali avant tout processus de désarmement. Or, la France étant promotrice de cette idée de dialogue inter-rwandais qui voudrait que les anciens adeptes de la machette soient assis à la table des négociations, quel parti prendra Djinnit ? En d’autres termes : aura-t-il une attitude conséquente face aux grands défis qui se posent ou sera-t-il plutôt otage d’une position préétablie par ceux qui l’on propulsé à sa fonction ?

L’agence d’information

Dernière dépêche suivant celle du 18/08 : Crimes de guerre en RDC

Citons un flash du 20 août d’Elie Mutela Wa Mutela, directeur de cabinet du président Bisimwa du M23

« Après le communiqué signé par le Président du M23, le Camarade Bertrand Bisimwa, le 17 aout 2014, dans lequel il a dénoncé la détention des membres du M23 et l’assassinat des militaires de l’ex-CNDP, la Monusco et la CIRGL (Conférence internationale de la région des Grands Lacs) ont enfin visité ce mercredi 20 août 2014 les prisonniers du M23 à la prison centrale Munzenze de Goma.

Ces derniers sont détenus après avoir fait leur retour volontaire au pays. La plupart d’entre eux ont signé la fiche d’identification et d’acceptation de l’amnistie. A l’issue de cette visite, cette délégation de la Monusco et de la CIRGL a précisé qu’un nombre de 17 militaires et 19 civils sont jusqu’à ce jour détenus dans la prison Munzenze de Goma.

Espérons que ceux qui demeurent au cachot de l’ANR (Agence nationale de renseignement) bénéficieront également de cette visite, sans oublier ceux qui sont détenus dans les différentes prisons de Kinshasa. Nous souhaitons aussi que l’enquête soit ouverte sur les militaires ex-CNDP récemment exécutés du fait d’être soupçonnés de collaborer avec le M23. »

Illustration : Saïd Djinnit, Visit to NATO of the African Union Commissioner for Peace and Security, 2007, NATO Media Library.

Mis en ligne par L’Agence d’information
 23/08/2014
 http://www.lagencedinformation.com/071-un-envoye-tres-special.html
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« Certains membres de l’ancien mouvement rebelle M23 installés en Ouganda seraient, selon les services de sécurité congolais… impliqués dans les violences actuelles en Ituri. En décembre 2017, lorsque débutent les violences dans la province, des éléments armés – que les autorités congolaises désignent comme membres de l’ancien M23 – se seraient infiltrés de la région de Kamango… Les déplacements d’anciens membres du M23 de l’Ouganda vers les territoires d’Aru et de Djugu en Ituri en 2018 par la frontière ougandaise sont confirmés par des responsables de sécurité congolais…  »

Mis en ligne par L’Agence d’information

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Mis en ligne par L’Agence d’information

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On the eve of the resumption of talks in Kampala, the M23 raises the essential condition for ending the war and bring peace to the troubled province of eastern DRC : the Rwandan genocidal forces must be dismantled, and the refugees must return to their lands.

Mis en ligne par L’Agence d’information

 10/09/2013