21/02/23
Quelque peu incongrue et contradictoire (le « pretexte » étant « fallacieux »… la présence des réfugiés est-elle réelle ou pas ?), voire entachée d’une mauvaise volonté évidente, la déclaration de Patrick Muyaya, Ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du gouvernement de la RDC, fait suite au communiqué final du Mini Sommet sur la paix et la sécurité dans la région est de la République démocratique du Congo (RDC), tenu le 17 février 2023 à Addis-Abeba (Éthiopie) avant les travaux de la réunion de l’Union africaine (UA).
On y lit que les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC, selon l’acronyme anglais) — dont Félix Tshisekedi, président de la RDC — postulent, parmi les autres décisions, « le retour en RDC des réfugiés congolais qui se trouvent au Rwanda, comme mentionné dans la feuille de route de Luanda ».
En réalité, le problème des réfugiés congolais dans les camps étrangers — en plus du Rwanda, ils se trouvent également au Burundi, en Ouganda et en Tanzanie — compte parmi les causes profondes de la crise qui ravage depuis bientôt 30 ans les provinces orientales de la RDC.
Leur retour dans leur patrie fait d’ailleurs partie des revendications majeures de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) et cela depuis l’époque du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple).
Cette condition essentielle pour le rétablissement de la paix et de la réconciliation est ainsi inscrite dans le communiqué final de la Conférence de Goma (2008), dans les Accords du 23 mars 2009 et dans les Protocoles de Nairobi (décembre 2013)…
Kinshasa a toujours fait la sourde oreille, et cela pour faire plaisir aux élus et aux couches sociales extrémistes des provinces orientales, qui ne voient pas de bon œil le retour dans leurs terres de ces exilés forcés, pour la plupart appartenant aux communautés rwandophones stigmatisés par les leaders tribalistes des autres ethnies.
Une attitude raciste (on oppose les vrais Congolais « Bantus » aux soi-disant « Nilotiques », prétendument « étrangers », car originaires du Rwanda) et discriminatoire, qui se manifeste jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir congolais : il y a une dizaine de jours, le président Tshisekedi n’affirmait-il pas de ne pas vouloir de « colonies de peuplement » dans l’est de la RDC ? Il faisait clairement allusion au retour de ces réfugiés rwandophones…
De même, Jean-Pierre Kambila, ex-ambassadeur proche de l’ancien président Joseph Kabila, postait sur son compte Twitter le 20 février dernier que « l’immense majorité de ceux que Kagame présente comme réfugiés congolais au Rwanda sont des faux Congolais. Je connais la question. »
Tout cela ne laisse présager rien de positif pour la solution de ce problème qui, perdurant, alimente la crise avec la guerre en cours entre le gouvernement et le M23, avec les violences conséquentes.
On peut d’ailleurs, déjà, détecter les pièges dans les détails du communiqué de Patrick Muyaya, le Ministre de la Communication et des Médias.
MaïshaRDC, « observatoire des discours de haine, d’incitation au génocide et la xénophobie dans la région des Grands Lacs et en RDC », fait ainsi remarquer qu’« associer la notabilité kivutienne dans le processus de rapatriement des “réfugiés congolais Tutsi” pourrait freiner sa mise en œuvre. En 2010, cette notabilité avait constitué l’obstacle majeur de l’application des accords tripartites ».
Un autre observateur et analyste de la crise, Tite Gatabazi de la chaine @Echos Grands Lacs, souligne ainsi, à propos du communiqué gouvernemental, sur son compte Twitter : « La persécution des citoyens, massacrés, destruction de leurs biens, poussés à l’exil, loin de leurs terres, des familles, le déracinement et la vie dans les camps des réfugiés : c’est un prétexte fallacieux du Rwanda. Éléments de langage insultants ».
Décidément, en RDC, les logiques et les discours de haine sont loin d’être éradiqués…
Luigi Elongui