8/05/2016

Dans un village près d’Eringeti, les assaillants ont encore une fois agi en toute tranquillité dans l’accomplissant de leur forfait. L’armée est arrivée dans les lieux après leur départ et le gouverneur Paluku a promis de « bouter l’ennemi dehors ».

La nuit du 3 au 4 mai dernier dans les quartiers de Minibo et Mutsonge, en localité de Baungatsu-Luna, petit hameau du village d’Eringeti situé à 60 Km au nord de la ville de Beni, dans le Grand Nord du Nord Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), trente-un personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants, ont été tuées à l’arme blanche. Des corps éventrés, décapités et démembrés ont été retrouvés sur place lorsque les autorités civiles et coutumières du territoire de Beni sont accourues en premières sur les lieux du massacre.

« C’était vers 20h00 que nous avons entendu des gens crier et des tirs », a affirmé à l’AFP Adona Lesse, le chef du village d’Eringeti. De son côté, la Radio Okapi des Nations Unies (NU) cite « des sources locales » rapportant « que les assaillants ont attaqué les civils à la machette pour ne pas alerter les militaires et la mission onusienne basés dans région ».

Porte-parole de l’Opération Sokola 1, censée combattre la rébellion de l’Alliance des Forces Démocratique (ADF, selon l’acronyme anglais) à laquelle on attribue ces tueries récurrentes depuis octobre 2014, le lieutenant Mak Hazoukay a affirmé à la presse que « l’information relative à la présence des présumés ADF dans la région est parvenue avec retard aux militaires ».

Cependant, une position de Casque bleus népalais se trouvant à quelques centaines de mètres de l’endroit où le carnage a eu lieu, Teddy Kataliko, président de la société civile de Beni a dépoloré qu’ « on ne sent pas la protection des civils car, dès que les agresseurs se sont infiltrés, les gens ont commencé à hurler mais les militaires sont arrivés bien après le départ des tueurs ». Tout en précisant que, quelques heures avant les faits, la population avait alerté les forces de sécurité de l’imminence du danger. Gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku Kahongya a voulu minimiser les critiques adressées à l’armée régulière et aux troupes de l’ONU (MONUSCO) : « Avec ce nombre de morts, c’est normal que toute sorte de qualificatif puisse sortir de la bouche d’une population désespérée. Nous ne pouvons pas négliger les efforts des Forces armées de la république et nous sommes tous déterminés avec elles à bouter dehors l’ennemi ».

Des déclarations qui n’ont pas dû convaincre les habitants de la zone, qui ont quitté les lieux et fui les campagnes pour s’abriter en milieu urbain.

Lendemain du drame, le général Jean Baillaud, véritable patron militaire de la MONUSCO, s’est rendu à Eringeti avec le général Kasereka, chef de la 3e zone militaire des FARDC, dont le secteur de Beni dépend.

Le dimanche 1er mai, toujours dans le territoire de Beni, dix-sept personnes avaient été enlevées alors qu’elles se rendaient à un enterrement. Le lundi, la coordination de la société civile de Beni, Lubero et Butembo avait livré à la presse une déclaration faisant état de 1017 victimes tuées dans ces territoires depuis octobre 2014, auxquelles s’ajoutent 1391 personnes kidnappées et 41 femmes violées.

Julien Paluku, gouverneur du Nord-Kivu

DERNIÈRE HEURE : Un autre crime a été perpétré en soirée de vendredi 6 à Walesse Vonkutu, à la lisière du Nord-Kivi et de l’Ituri, avec un bilan de quatre à huit victimes à préciser. Les tueurs, en uniforme des FARDC, étaient munis de fusils et d’armes blanches.

On viendra un jour au bout de ce cycle infernal qui endeuille et terrorise la population de Beni depuis dix-huit mois ? Voilà que ce dernier acte d’une tragédie qui se consomme selon des modalités d’une cruauté effrayante se produit selon une mise en oeuvre bien connue et avec les mêmes acteurs jouant les mêmes rôles. Des assaillants qui opèrent toujours la nuit, sur l’axe Beni-Oïcha-Eringeti en une zone très militarisée en présence des soldats tanzaniens de la Brigade onusienne, d’autres contingents des NU et des FARDC qui, eux, arrivent systématiquement sur les lieux du crime quand ce dernier a été largement consommé et sans jamais surprendre en flagrant délit aucun agresseur ; des déclaration officielles accusant du forfait l’ADF, une milice donnée par presque anéantie il y a bientôt deux ans et dont les responsabilités dans cette sombre affaire ont été depuis le départ mises en doute par nombres de spécialistes, analystes, observateurs et, surtout, par les populations locales ; des autorités de la province qui, avec un aplomb qui serait réducteur définir cynique, se veulent rassurantes face à l’implacable continuité des massacres ; une zone grise qui s’installe, avec déplacements de populations et interdite d’accès aux journalistes, aux opérateurs des droits de l’homme, aux agences humanitaires et aux patrouilles des NU ; un général français, chef militaire des forces onusiennes et spécialiste des théories contre-insurrectionnelles, qui se promène sur les lieux avec l’assurance du stratège qui contrôle la situation. Bref : où est-ce qu’elle se trouve la main qui tient les fils du drame dont les tenants et les aboutissants demeurent, pour le moment, obscurs ? Début novembre 2014, un mois après le début de ce martyre que l’on est en train d’infliger aux populations du territoire de Beni, avec des actes de génocide caractérisés, les cibles des tueries étant surtout les membres de la communauté Nande (peut être coupable d’être soudée autour de son leader, opposant notoire du président en fonction), L’Agence d’information.com avait publié une dépêche intitulée Des unités de l’armée impliquées dans le massacres de Beni. Nous avions à l’époque suffisamment d’indices à soutien de cette affirmation et nous les avions étalés. Mais nous n’avions pas encore clair l’ensemble du cadre dans lequel on aurait pu envisager une responsabilité gouvernementale dans la planification et l’exécution de ces crimes réitérés et à large échelle, ni les éléments de preuve détaillés pour conforter l’affirmation d’un choix délibéré du pouvoir dans l’accomplissement de tels forfaits. Aujourd’hui, suite à une longue période d’enquêtes menées par deux de nos correspondants sur le terrain et près de nombreuses sources au sein des institutions de la RDC et internationales, L’Agence d’information.com est en mesure d’apporter les pièces à conviction nécessaires qui nous aident à démêler l’imbroglio tragique de Beni jusqu’à repérer les forces tapies dans l’ombre qui actent dans le cycle infernal. Il en sera ainsi question dans une prochaine publication et avant la fin de ce mois de mai. Entre temps, avec cette dépêche, nous publions également la première partie d’une interview de L. Elongui par J.L. Galabert, parue dans l’exemplaire annuel de LA NUIT RWANDAISE d’avril dernier, qui peut aider à la compréhension de ce qui se passe dans le Grand Nord du Nord-Kivu depuis octobre 2014.

A Beni, on aligne les cercueils
Mis en ligne par L’Agence d’information
 8/05/2016
 http://www.lagencedinformation.com/100-beni-un-calvaire-sans-fin.html
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C’est à la mitrailleuse que l’armée tire sur la foule descendue dans les rues pour contester le régime de Joseph Kabila prolongé au-delà de son deuxième mandat sans même un simulacre d’élection.

Rappelons, Monsieur le Président, que cette répression intervient moins d’un an après l’ouverture, en juillet, d’un centre de formation pour les hauts gradés de l’armée rdcongolaise, formation aux techniques de contre-insurrection assurée par des instructeurs français.

Depuis plusieurs années, dans ce pays ravagé par la misère, on a pu voir l’action délétère du général Baillaud, instrumentalisant diverses milices et bandes armées à seule fin de déstabilisation, ceci prenant des proportions effrayantes, d’abord au Kivu, et maintenant au Kasaï, où les sbires de Kabila ne reculent devant aucun des sales procédés de la « guerre révolutionnaire » chère à l’armée française depuis les années 50.

Nous demandons ici solennellement le rappel du général Baillaud, ainsi que la fermeture immédiate de cette école militaire criminelle ouverte à Kinshasa sous votre responsabilité.

Nous dénonçons aussi le fait que la France – et l’Espagne [1] – aient osé bloquer toute protestation européenne, de même que la France paralyse l’ONU sur ce dossier depuis bien longtemps.

Nous demandons que la France renonce à sa fonction de « penholder » [2] au Conseil de sécurité, et rappelle au besoin son ambassadeur auprès de cet organisme, afin de permettre à la communauté internationale de regarder la situation plus impartialement.

L’Agence d’Information
La Nuit rwandaise

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Mis en ligne par L’Agence d’information

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Over the past year, the ICGLR member states, supported by the majority of countries in the East African Community, oppose the military solution aimed by France, Kinshasa and the Department of Peacekeeping Operations of the UN (DPKO). A successful challenge, considering the decisions taken by the last summit held in Kampala, specially important regarding the risks of a global confrontation between the states of the region.

Mis en ligne par L’Agence d’information

 7/09/2013