3/04/2017

Des crimes de guerre et contre l’humanité sont commis par les forces de sécurité engagées contre la rébellion de Kamuina Nsapu. Les tueurs profitent de l’impunité et également de l’aveuglement de la « communauté internationale ».

3.4.2017

Jeudi 30. Dans une émission matinale, sur radio Okapi [la radio des Nations unies], un habitant de la commune de Nganza, à Kananga, dans la province du Kasaï, fief de la rébellion de Kamuina Nsapu, témoigne des exactions des forces de l’ordre : « On a tué des personnes à Nganza et nous avons fui. Moi, j’ai perdu ma mère et deux femmes de mon grand-frère avec un bébé et ma petite sœur. »

Quelques heures plus tard, un communiqué de la Commission diocésaine de l’Eglise catholique de Kananga faisait état de « tueries et pillages » de la part de militaires et policiers : « Les forces de l’ordre entrent dans les domiciles des habitants et demandent de l’argent. Vous donnez, on vous laisse la vie sauve, vous ne donnez pas, on tire sur vous à bout portant. Ceux qui sont tués, il y a des militaires qui vous disent que parce que vous cachez les miliciens chez vous et que vous ne voulez pas les dénoncer, et donc, nous devons en finir avec vous. »

Selon les sources de l’Agence d’information, depuis fin mars, une opération Effacer le tableau est en cours à Kananga et à Tshimbulu, contre Kamuina Nsapu [groupe nommé selon son chef assassiné par l’armée]. Cette opération spéciale criminelle, de nature explicitement génocidaire, est entreprise sous la direction du noyau des sécurocrates de la famille politique du chef de l’Etat. Conduite par une unité d’élite avec un noyau dur de 180 hommes, elle aurait comme instruction de ne pas faire de prisonniers parmi les rebelles. Ces forces spéciales issues de la maison militaire de la présidence de la république procèdent par ratissages et rafles de civils. A 20 heures, un internaute signale : « C’est la terreur à Kananga au Kasaï, en RDC. Il se passe des scènes horribles selon les témoignages qui nous parviennent. »

Dans une déclaration reportée par Congo Indépendant, Claude André Lubaya, ancien gouverneur du Kasaï Occidental, fait référence à un « génocide en cours » et à l’«  extermination apparemment planifiée et organisée » de jeunes entre dix et trente ans pendant les ratissages. Arrêtés par les militaires, ceux-ci sont fusillés sur la place des communes et leurs cadavres ramenés à l’Ecole de formation des officiers à Kananga. Selon des témoins sur place, le nombre des victimes s’élèverait à plusieurs centaines. A minuit, on lit sur le compte twitter de Badouin Amba Wetshi, directeur de ce support sur web et ancien ambassadeur de l’ex-Zaïre : « Après assassinat 2 experts onusiens, Kabila et durs du régime se livrent à 1 fuite en avant sous forme de chasse aux miliciens à Kananga ».

Vendredi 31, dans un communiqué conjoint de la Conférence épiscopale nationale du Congo, de la Nonciature apostolique et de l’archevêque de Kananga, les autorités religieuses tirent la sonnette d’alarme. Elles signalent « des tueries de civils lors des perquisitions maison par maison à Nganza et à Katcka dans l’Archidiocèse de Kananga… (et) demandent instamment que l’exécution sommaire de paisibles citoyens s’arrête ».

Les crimes contre les civils de la part de l’armée et de la police congolaises ne sont pas nouveaux dans la répression contre les insurgés kasaïens. Depuis août 2016, de nombreux charniers ont été retrouvés, suite à des enquêtes indépendantes. Le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) affirme l’existence de 23 fosses communes : « Nous avons documenté 23 sites de fosses communes dans différentes localités… La situation est très préoccupante… Il faut traduire en justice les responsables de cette tuerie qui s’est passée et qui continue à se passer », déclare Jean-Maria Aranaz, directeur du BCNUDH.

Interviewé par la radio congolaise Zoom Eco, le président de l’Union nationale de la presse congolaise, Kasonga Tshilunde, natif de Kananga, affirme : « La situation est dramatique et s’apparente à un génocide. Les militaires passent de porte à porte et tuent, pillent violent. Nganza est dépeuplée et tout le monde est parti en brousse. Cette commune est le bastion de l’extermination, mais d’autres sont affectées aussi : Kotoka, Bikuku, l’Aéroport… »

Qui sont les maîtres d’œuvre de cette répression, dans laquelle des crimes de guerre et des violations massives du droit humanitaire sont commises ?
Commandant de la 34e région militaire, le général Lombe n’est pas seul à la manœuvre car le général Akilimali Mundos vient de le rejoindre à l’état major opérationnel à Kananga. Les deux se connaissant bien pour avoir travaillé ensemble à Beni depuis septembre 2014. Lombe dirigeait la région militaire du Nord Kivu et Mundos la 31e Brigade des FARDC, dont la participation aux massacres de la cité kivucienne est avérée.

Avec eux, la colonel Vincent Tambwe, adjoint du général Kahimbi, patron de l’ex-DEMIAP [Détection des éléments militaires anti-patriotiques], s’occupe des renseignements militaires. Tous des anciens de Beni… auxquels s’ajoute une cellule très active de l’Agence nationale de renseignements (ANR), téléguidée par son tout puissant chef Kalev Mutond. Ses éléments sur place seraient impliqués dans l’assassinat des deux experts des Nations unies et l’arrivée clandestine à Kananga, par rotations aériennes successives depuis le Katanga, de centaines de miliciens Bakata Katanga. Ces derniers auraient une double tâche : épauler les forces spéciales dans les exactions et en commettre d’autres déguisés en Kamuina Nsapu.

Entrée en « zone grise », Kananga est un mouroir de civils dans l’indifférence de la « communauté internationale ». Jusqu’à quand ?

L’Agence d’information

Mis en ligne par L’Agence d’information
 3/04/2017
 http://www.lagencedinformation.com/109-rdc-kasai-kananga-ville-martyre.html
Sauf mention contraire, droits de reproduction et diffusion autorisés selon la licence Creative Commons Attribution BY-SA 4.0

Les habits neufs de l’empire
Guerre et désinformation dans l’Est du Congo

Acheter en ligne (Aviso éditions)


 En savoir plus

Voir aussi

Kivu : la remobilisation meurtrière du racisme

 Depuis bientôt vingt ans les FDLR font régner la terreur dans toute la région du Kivu. Vingt ans après le génocide des Tutsi - en 1994 - on va finir par (...)

Depuis bientôt vingt ans les FDLR font régner la terreur dans toute la région du Kivu. Vingt ans après le génocide des Tutsi - en 1994 - on va finir par comprendre ce grand dessein indéchiffrable qui est à l’origine du génocide des Tutsi. La grande idée – l’a-t-on compris ? –, c’est la remobilisation du racisme, indispensable aux stratégies de domination.

Mis en ligne par L’Agence d’information

 7/04/2013

RDC : L’agitation de Kobler cache des intentions sinistres pour la (...)

 Pendant que la fièvre monte au Katanga suite à l’intervention de la Garde Républicaine dans une résidence du Général John Numbi, Kigali demeure dans le (...)

Pendant que la fièvre monte au Katanga suite à l’intervention de la Garde Républicaine dans une résidence du Général John Numbi, Kigali demeure dans le collimateur du parti de la guerre, qui espère toujours que les FDLR parviennent à déstabiliser le Rwanda.

While the fever rises in Katanga following the intervention of the Republican Guard in a residence of General John Numbi, Kigali remains in the sights of the war party, which still hopes that the FDLR could destabilize Rwanda.

Mis en ligne par L’Agence d’information

 21/01/2014

L’intox des shebbabs du M23

 Depuis plusieurs jours, court, enfle, se répand par de multiples voix, une nouvelle figure de diabolisation du M23 : il aurait recruté des shebbabs, des (...)

Depuis plusieurs jours, court, enfle, se répand par de multiples voix, une nouvelle figure de diabolisation du M23 : il aurait recruté des shebbabs, des intégristes musulmans de Somalie, et pour un peu deviendrait la nouvelle antenne d’Al Quaeda au cœur du Kivu.

Morceau d’anthologie, l’article de Colette Braeckman, publié sur son blog. D’après l’armée congolaise, les attaques en cours dans le Beni seraient le fait d’une alliance de Maï Maï et de l’ADF-Nalu ougandaise, nous dit-elle. Mais elle y voit néanmoins confirmation de la prédiction du gouverneur Julien Paluku : celui-ci annonçait que des Shebbabs attaqueraient.

Plus sérieusement, un rapport de l’ONU, daté du 20 juin 2013, décrit les troupes de l’ADF sans évoquer de shebbabs – mais n’en est pas moins ajouté comme éléments à charge. De toutes façons, cette présence serait confirmée par les "services d’informations burundais et ougandais" et par des "sources policières" congolaises.

Mais "d’autres sources policières", interrogées par Braeckman, "mettent également en cause le mouvement M23"… Une "preuve" ? Le chef du département jeunesse du M23, Ali Musagara, serait "de confession musulmane". Il aurait ainsi non seulement des prédispositions pour le djihad international, mais de plus des "facilités pour recruter au sein de sa communauté". Pire encore : "le président de la communauté musulmane du Nord Kivu serait proche du M23"...

La journaliste note entre parenthèses que "la communauté musulmane de Goma connaît une rapide expansion". Ainsi, contre le M23 l’antitutsisme ne suffit plus – il est vrai que la plupart de ses membres ne sont pas Tutsi –, la xénophobie anti-rwandaise marche moyennement – il s’agit manifestement d’un mouvement nationaliste congolais. Alors ils pourraient aussi bien être islamistes ?

Il ne manquait plus que cette plume à l’épouvantail parfait que la propagande dresse par touches pour tenter de justifier de cette guerre injustifiable.

L’Agence d’Information

Mis en ligne par L’Agence d’information

 14/07/2013